Un employeur peut-il obliger un salarié à poser ses congés payés ?

Maryam Toumirt
, Juriste Rédacteur en Droit Social @PayFit
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Chaque salarié bénéficie de congés payés financés par l’employeur. Cependant, il n’est pas libre de les poser à sa convenance : l’organisation des congés relève du pouvoir de direction de l’entreprise. Ainsi, l’employeur peut imposer des congés payés à ses collaborateurs, à condition de respecter les règles prévues par le Code du travail, les conventions collectives et les accords d’entreprise.

Mais quelles sont les limites de ce pouvoir ? Dans quelles mesures l’employeur peut-il fixer les dates de congés ? Que se passe-t-il en cas de fermeture de l’établissement, de démission ou de licenciement ? PayFit fait le point.

Quand l’employeur peut-il imposer une période de prise des congés payés ?

La période de prise des congés payés est déterminée :

  • par un accord d’entreprise ou d’établissement ;

  • à défaut, par un accord ou une convention de branche ;

  • en l’absence d’accord, par l’employeur après avis du CSE (Comité Social et Économique), s’il existe.

Qu’elle soit définie par l’employeur ou par voie conventionnelle, la période de prise de congés payés doit obligatoirement comprendre la période légale de référence du 1er mai au 31 octobre. Par exemple, l'employeur peut imposer la prise de congés payés entre le 1er mars et le 31 octobre.

💡 Bon à savoir : les salariés doivent être informés au moins 2 mois avant l’ouverture de la période de congés. Un logiciel de gestion des congés et des absences simplifie cette mise en place et réduit les erreurs.

L’employeur peut-il fixer les dates de départ en congés payés ?

Oui, si aucun accord ni aucune convention collective ne les fixent, l’employeur choisit les dates, après avis du CSE. Le salarié doit demander ses congés et attendre la validation de sa direction ou de ses supérieurs hiérarchiques. En cas de refus de congés payés aux dates souhaitées, ce temps de repos est reporté à une autre date. 

En l’absence d’accord, l’ordre des départs est défini selon :

  • la situation familiale (possibilités de congé du conjoint ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité, ainsi que la présence au sein du foyer d'un enfant ou d'un adulte handicapé ou d'une personne âgée en perte d'autonomie) ;

  • l’ancienneté ;

  • une potentielle autre activité au sein d’une autre entreprise.

⚠️ Attention : en cas de modification des dates, l’employeur doit respecter un délai de prévenance d’1 mois, sauf circonstances exceptionnelles.

Guide des congés et absences

L’employeur peut-il imposer les congés payés en cas de fermeture de l’entreprise ?

L’entreprise peut décider d’une fermeture temporaire (souvent estivale) et imposer aux salariés de poser leurs congés durant cette période. Cela peut être prévu par un accord d’entreprise, d’établissement ou, à défaut, par un accord de branche.

Cette possibilité est toutefois encadrée par le Code du travail et doit respecter certaines conditions. En l’absence d’accord, l’employeur peut fixer les dates de congés de l’entreprise après consultation du CSE.

💡 Bon à savoir : lors d’une fermeture de l’entreprise, l’employeur peut imposer jusqu’à 24 jours ouvrables consécutifs (le congé principal prévu par le Code du travail, articles L3141-15 à L3141-19). La 5ᵉ semaine peut aussi être imposée si :

  • l’arrêt se situe pendant la période légale de prise des congés (1er mai – 31 octobre) ;

  • la période de clôture a été fixée par accord collectif ou, à défaut, par l’employeur après avis du CSE ;

  • les salariés ont été informés au moins 2 mois avant l’ouverture de la période de congés.

Au-delà de la durée légale (5 semaines par année), l’entreprise doit verser une indemnité compensatrice pour chaque jour excédentaire. Calculée par jour ouvrable excédentaire, celle-ci est différente de l’indemnité de congés payés habituelle.

L’arrêt de l’activité a pour conséquence de fractionner le congé principal du salarié. En principe, en cas de fractionnement des congés payés, l’accord du salarié est nécessaire. En revanche, cet accord n'est pas nécessaire lorsque le congé a lieu durant la période de fermeture de l'établissement. Les dates fixées s’imposent à tous les salariés concernés.

Existe-t-il des cas particuliers en matière de congés payés imposés ?

Certaines situations particulières modifient l’organisation habituelle des congés payés. La loi fixe alors des règles précises que les entreprises doivent respecter.

Congés payés pendant le préavis de démission

Si les congés payés ont été prévus et validés avant la notification de la rupture, ils sont pris et le préavis est suspendu, puis prolongé d’une durée équivalente. Après la notification, personne ne peut imposer la prise de congés durant le préavis (ni salarié ni entreprise). Ils ne peuvent être pris que d’un commun accord. Par défaut, le préavis n’est pas suspendu par ces congés, sauf si les parties conviennent expressément de le suspendre (idéalement par écrit). 

La fermeture de l’entreprise ne reporte pas le préavis. Le salarié perçoit alors deux indemnités :

  • indemnité compensatrice de préavis pour la période non travaillée ;

  • indemnité compensatrice de congés payés correspondant à la durée de l’arrêt de l’activité.

Cette logique s’articule avec l’article L1234-5 du Code du travail sur l’indemnité compensatrice (incluant l’indemnité de congés).

Congés payés imposés pour les salariés en CDD

Les salariés en CDD (Contrat à Durée Déterminée) disposent des mêmes droits aux congés que ceux en CDI (Contrat à Durée Indéterminée), soit 2, 5 jours ouvrables par mois travaillé. Si le CDD couvre une période de fermeture imposée, le salarié doit poser ses congés sur cette période.

Les congés payés imposés dans le secteur du BTP

Dans le BTP (Bâtiment et Travaux Publics), les périodes de congés payés sont souvent fixées par les caisses de congés payés. Les entreprises doivent respecter ce calendrier obligatoire, qui peut inclure des fermetures imposées.

Licenciement et congés payés

En cas de licenciement, l’obligation de poser ses congés imposée par l’employeur dépend de la situation :

  • licenciement avec préavis exécuté : le salarié peut poser ses congés validés avant la notification. En revanche, l’employeur ne peut pas imposer de nouveaux congés pendant le préavis, sauf en cas d’arrêt de l’activité ;

  • licenciement sans préavis (faute grave ou lourde) : le salarié ne peut pas prendre ses congés. Il perçoit alors une indemnité compensatrice de congés payés, correspondant aux jours acquis, mais non pris ;

  • licenciement économique : la même règle que pour un licenciement classique s’applique. Le salarié prend les congés validés avant la rupture, sinon il touche l’indemnité compensatrice.

📝 À noter : l’indemnité compensatrice de congés payés est due dans tous les cas de rupture du contrat de travail, sauf en cas de faute lourde (sauf dispositions conventionnelles plus favorables).

Situations exceptionnelles où les congés payés sont imposés

Durant la crise sanitaire de la Covid-19, une ordonnance de 2020 a permis d’imposer jusqu’à 6 jours ouvrables de congés payés avec seulement 1 jour franc de prévenance (mesure aujourd’hui abrogée).

Des congés peuvent être imposés en cas de catastrophe naturelle. Dès lors, l’État autorise des dérogations temporaires pour assurer la continuité de l’emploi et la sécurité des salariés.

Quels sont les droits des employés face à des congés imposés ?

Même si l’employeur dispose d’un pouvoir d’organisation, le salarié bénéficie de protections légales précises concernant la prise de congés payés.

1. Être consulté sur les dates de congés

L’employeur doit prendre en compte, dans la mesure du possible, les souhaits du salarié avant de fixer la période de congés. Les règles de priorité (ancienneté, situation familiale, présence d’enfants scolarisés) doivent être respectées.

2. Respect du délai de prévenance

La loi impose un délai minimum d’un mois avant la date de départ en congé pour informer le salarié. Toute modification tardive doit être justifiée par des circonstances exceptionnelles.

💡 Bon à savoir : parmi les cas de circonstances exceptionnelles reconnus par la jurisprudence :

  • un surcroît d’activité imprévu (commande urgente, client stratégique) ;

  • un remplacement indispensable suite à l’absence soudaine d’un salarié clé ;

  • un impératif de continuité du service dans les secteurs sensibles (santé, sécurité, transport) ;

  • un événement économique majeur (difficultés graves menaçant l’entreprise) ;

  • une catastrophe ou un événement exceptionnel (incendie, inondation, épidémie, grève externe).

En revanche, une simple désorganisation liée à un manque d’anticipation de l’employeur ne constitue pas une circonstance exceptionnelle.

3. Protection en cas de maladie ou maternité

Si les congés imposés chevauchent un arrêt maladie, ils sont reportés. De même, un congé maternité ou paternité ne peut pas être remplacé par des congés payés.

4. Conservation du droit au congé

Même en cas d’imposition exceptionnelle, d’arrêt maladie ou de congé parental, le salarié ne perd pas son droit à des congés : les congés acquis non pris sont soit posés, soit reportés selon les circonstances.

Un employeur peut-il imposer la prise de tous mes congés ?

En principe, l’employeur ne peut pas obliger un salarié à poser l’ensemble de ses congés payés selon son seul choix. Il doit tenir compte des souhaits des salariés et respecter les délais de prévenance. Toutefois, il existe des exceptions : une fermeture annuelle de l’entreprise, un accord collectif ou une convention spécifique peuvent lui permettre d’imposer la totalité des congés.

Quels sont les recours possibles en cas de désaccord concernant les congés imposés ?

En cas de désaccord persistant avec l’employeur concernant la période de prise des congés, le salarié peut d’abord tenter une médiation interne ou solliciter les représentants du personnel. Si la situation reste bloquée, un recours auprès du conseil de prud’hommes est possible. Le juge vérifiera alors si l’employeur a respecté les règles légales et conventionnelles encadrant la fixation des congés.

Que faire si mes congés imposés chevauchent un arrêt maladie ?

La loi et la jurisprudence européenne sont claires : les congés payés ne peuvent pas être perdus en raison d’un arrêt maladie. Si la période de congé imposée coïncide avec un arrêt maladie, les congés sont automatiquement reportés à une date ultérieure. Le salarié conserve ainsi son droit intégral à congés, même s’il est en incapacité de travailler pendant la période initialement prévue.