L’employeur peut-il procéder à une modification du contrat de travail pendant un arrêt maladie ?

Moidziwa Mohamed Ali
, Juriste Rédacteur en Droit Social @PayFit
Mise à jour le

À retenir : 

  • La modification d’un contrat de travail durant un arrêt maladie dépend de la nature du changement que souhaite apporter l’employeur.
  • Si le changement est simple (il concerne les conditions de travail), l’employeur n’a pas besoin de l’accord préalable du salarié.
  • Si le changement est essentiel (modification de la rémunération ou du temps de travail), l’accord du salarié est nécessaire. Or, l’employeur ne peut le solliciter tant que dure la suspension de son contrat de travail.

Le contrat de travail est un élément essentiel de la relation de travail entre l’employeur et le salarié. Il acte la mise à disposition de ce dernier sous la subordination juridique de l’entreprise en échange d’une rémunération. Par conséquent, l’employeur ne peut procéder à la modification du contrat que sous certaines conditions, en fonction de la nature des avenants envisagés. 

Lorsqu’un salarié est en arrêt maladie à la suite d’une prescription médicale délivrée par un médecin, son contrat de travail est suspendu jusqu’à son rétablissement. Pourtant, certains employeurs envisagent une modification du contrat de travail pendant l'arrêt maladie

Quelles sont les règles en matière de modification du contrat de travail ? Est-il possible de modifier le contrat de travail d’un salarié pendant son arrêt maladie ? Cette modification peut-elle être contestée ? PayFit vous explique.

Quelles sont les règles en matière de modification du contrat de travail ?

Les règles du Code du travail sur la modification du contrat de travail diffèrent selon la nature des modifications envisagées :

  • simple changement des conditions de travail ;

  • modification d’un élément essentiel du contrat de travail.

Simple changement des conditions de travail

La modification du lieu de travail, des attributions du salarié ou encore des horaires de travail représente un simple changement de conditions de travail. Par conséquent, cela ne nécessite pas l’accord du salarié et ce dernier ne peut s’opposer à cette procédure.

Pour éviter toute ambiguïté, il est préférable de poser le cadre de ces trois changements : 

  • modification du lieu de travail : le changement du lieu de travail s’effectue dans le même secteur géographique. Pour considérer son avenant comme un changement simple, l’employeur doit vérifier que le contrat ne contient pas de clause de mobilité ;

  • modification des attributions du salarié : l’ajout ou le retrait de certaines missions sont considérés comme des changements simples s’ils n’impactent pas la rémunération et le niveau hiérarchique du salarié

  • modification des horaires de travail : les heures de travail connaissent une nouvelle répartition dans la journée sans que cela affecte ni la durée du travail ni la rémunération du salarié.

💡 Bon à savoir : si le changement affecte les attributions du salarié, l’employeur doit s'assurer que les nouvelles tâches correspondent à son niveau de qualification.

⚠️ Attention : l’employeur doit veiller à ce que la simple modification des conditions de travail ne porte pas une atteinte excessive à la vie privée du salarié

Modification d’un élément essentiel du contrat de travail

Si la modification porte sur un élément essentiel du contrat de travail, ce changement nécessite obligatoirement l’accord du salarié. Dans ce cas de figure, l’employeur souhaite agir sur la rémunération, la qualification ou la durée de travail par exemple. 

Le salarié dispose d’un délai d’un mois pour donner pour accepter l’avenant au contrat de travail de façon explicite. S’il refuse la modification, l’employeur a le droit de choisir entre deux options :

  • poursuivre le contrat en l’état ;

  • licencier le salarié pour le motif l’ayant contraint à proposer la modification du contrat de travail (par exemple des difficultés économiques).

⚠️ Attention : si le salarié garde le silence pour toute demande de modification d’un élément essentiel de son contrat de travail, cela ne signifie pas qu’il l’accepte.

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Quelles sont les conséquences d’une modification du contrat d’un salarié pendant un arrêt maladie ?

Lorsque le salarié est en arrêt maladie, son contrat de travail est suspendu pendant toute la durée de l’arrêt de travail. Durant son absence, l’employeur peut effectuer un simple changement des conditions de travail, car cette procédure ne nécessite pas l’accord du salarié.

Toutefois, l’employeur qui envisage de modifier un élément essentiel du contrat de travail doit faire preuve d’une grande prudence. Cette modification nécessite l’accord préalable du salarié. Comme celui-ci est en arrêt maladie et que son contrat de travail est suspendu, il n’est pas tenu de répondre à l’employeur

💡 Bon à savoir : s’il est en arrêt maladie, le salarié communique avec son employeur uniquement pour transmettre les informations concernant sa situation (prolongation, retour effectif en entreprise).

La modification du contrat d’un salarié pendant un arrêt maladie peut-elle être contestée ?

Si la modification du contrat de travail s’est réalisée sur un article essentiel, alors que le salarié était en arrêt maladie, sa contestation est légitime. Dans ce cas, il saisit le Conseil de prud’hommes pour faire valoir ses droits et démontrer les éléments suivants : 

  • la modification a été effectuée sans en avoir été informé ;

  • même si l’employeur a transmis l’information malgré la suspension du contrat, son état de santé ne lui permettait pas de donner un consentement clair.

💡 Bon à savoir : nous recommandons à l’employeur de ne pas envisager la modification d’un élément essentiel du contrat de travail d’un salarié au cours de son arrêt maladie. Malgré les difficultés de l’entreprise, cette précaution le préserve de tout litige lorsque le collaborateur reprendra son activité.

L’employeur peut-il modifier le poste d’un salarié pendant sa période d’arrêt maladie ?

Si l’employeur souhaite procéder au reclassement de son salarié malade, tout dépend des éléments qu’il souhaite modifier : 

  • s’il s’agit d’un changement dans les conditions de travail (évolution des missions, changement d’horaires ou de lieu), il peut se réaliser sans l’accord du salarié ;

  • s’il s’agit de modifier le salaire, la durée du travail, la qualification ou de procurer de nouvelles missions inédites, cela correspond à un changement essentiel. Par conséquent, l’employeur doit recueillir le consentement du salarié qui n’est pas tenu de lui répondre tant qu’il est malade.

Les deux parties restent en contact pour échanger des informations relatives au bon fonctionnement de l’entreprise ou à l’évolution de l’état de santé du salarié. Si l’employeur force son collaborateur à reprendre le travail pendant son arrêt maladie (pour s’adapter à son nouveau poste), il s’expose à des poursuites pénales. La jurisprudence peut même ajouter à ces sanctions le versement de dommages et intérêts.

Que se passe-t-il si le médecin du travail émet un avis d’inaptitude à la fin de l’arrêt maladie ?

Le Code du travail (art. R.4624-29 à R.4624-33) impose une visite médicale de reprise après un accident de travail ou une maladie professionnelle. L’obligation s’applique également pour des congés maternité ou un accident/maladie d’origine non professionnelle ayant abouti à un arrêt d’au moins 60 jours.

Si le médecin du travail émet un avis d’inaptitude, l’employeur a l’obligation de procéder à un reclassement du salarié compatible avec son état de santé et sa sécurité. Si aucun poste n’est disponible, une rupture du contrat peut intervenir. Dans ce cas, l’employeur justifie le licenciement pour inaptitude non fautive pour permettre au salarié licencié de toucher une indemnisation spécifique : 

  • indemnité légale de licenciement en cas d’inaptitude non professionnelle ; 

  • indemnité de rupture en cas d’inaptitude professionnelle ;

  • indemnité de congés payés non prise par le salarié.

Le salarié en arrêt maladie peut-il être licencié ?

Le Code du travail juge discriminatoire, et donc illégal, le licenciement pendant un arrêt maladie à cause de l’état de santé du salarié. La jurisprudence admet la procédure sous certaines conditions : 

  • l’absence prolongée ou répétée du collaborateur perturbe le bon fonctionnement de l’entreprise. Le maintien de son emploi se révèle impossible dans ces conditions ; 

  • le salarié est reconnu coupable d’une faute grave ou lourde qui peut avoir un lien de causalité avec son arrêt maladie.

Si ces faits sont avérés, la procédure de licenciement s’applique malgré l’arrêt de travail, avec une convocation à un entretien préalable. En cas de doute, il est conseillé de vérifier les modalités de licenciement d’un salarié malade dans la loi ou la convention collective applicable à l’entreprise.

Quelles sont les garanties en termes de salaire et d’indemnité pendant un arrêt maladie ?

Le salarié en arrêt maladie perçoit des Indemnités Journalières de la Sécurité Sociale (IJSS) qui correspondent à la moitié du salaire journalier de base. Selon les modalités de la convention collective, l’employeur peut procéder au maintien partiel ou total du salaire pendant l’arrêt maladie. Cette disposition dépend de l’ancienneté du salarié et de la durée de son arrêt.

Quelles incidences un arrêt maladie peut-il avoir sur les congés payés ?

L’arrêt maladie et les congés payés ne sont pas incompatibles. Le salarié continue d’acquérir son droit si son arrêt résulte d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle. Toutefois, la durée d’indemnisation dépend de la réglementation sociale et de la convention collective applicable.