Comment fonctionne la mise à pied conservatoire ?

Cristina Sanchez
Mise à jour le 06 août 2025

En principe, l’employeur doit respecter une procédure disciplinaire avant de sanctionner un salarié fautif. Parmi les sanctions disciplinaires possibles pour faute, la mise à pied constitue l'une des sanctions les plus sévères du pouvoir disciplinaire.

Il arrive que les salariés commettent des fautes professionnelles d’une telle gravité qu’il est nécessaire de les exclure immédiatement de l’entreprise. Le Code du travail prévoit en ce sens la possibilité de prononcer une mise à pied conservatoire, avant de prendre la décision d’une sanction disciplinaire définitive.

Quelle est la nature de la mise à pied conservatoire ? Quelle est la différence avec la mise à pied disciplinaire ? Existe-t-il une procédure de mise à pied conservatoire ? Le salaire est-il versé pendant la suspension du salarié ? PayFit fait le point.

Qu’est-ce qu’une mise à pied à titre conservatoire ?

Une mise à pied conservatoire, par définition, n’est pas une sanction, mais une mesure provisoire. La procédure pour sanctionner la faute lourde d’un salarié prend un certain temps, et l’employeur est tenu de respecter ce droit. 

Si l’erreur du salarié justifie son exclusion immédiate, la mise à pied conservatoire offre le temps nécessaire pour mener l’enquête auprès du personnel. Le caractère des témoignages et des faits déterminera la sanction disciplinaire définitive. 

💡 Bon à savoir : l’employeur organise un entretien préalable après l’envoi d’une lettre notifiant la mise à pied conservatoire. La durée entre ces deux étapes ne doit pas être trop longue, au risque que la jurisprudence qualifie la procédure d’abusive ou de mise à pied disciplinaire.

⚠️ Attention : si la mise à pied est requalifiée comme disciplinaire, l’employeur ne peut pas sanctionner son salarié une deuxième fois pour la même faute.

Comme la mise à pied disciplinaire, la mise à pied conservatoire entraîne également la suspension du contrat de travail du salarié. C’est pourquoi, l’employeur doit vérifier que les faits sont d’une gravité suffisante pour justifier cette mesure. 

💡 Bon à savoir : en plus des faits, l’employeur devra prendre en compte d'autres critères comme la fonction du salarié, son ancienneté ou ses antécédents disciplinaires par exemple.

Quelle est la procédure à respecter pour prononcer une mise à pied conservatoire ?

La durée d’une mise à pied conservatoire dépend de celle de la procédure disciplinaire. Par conséquent, elle est indéterminée, sauf dans le cadre d’un licenciement pour faute grave ou lourde.

La mesure débute avec l’envoi de la notification de convocation à l’entretien préalable pour le salarié. Elle peut être écrite ou orale, mais l’employeur doit au moins disposer d’une preuve écrite concernant la date et la durée de la mesure. Il est recommandé de délivrer la notification par lettre recommandée ou par remise en main propre contre une décharge.

⚠️ Attention : la mise à pied conservatoire d’un salarié protégé devra en plus être notifiée et motivée auprès de l’inspection du travail dans les 48h de sa prise d’effet.

L’entretien préalable doit se dérouler dans un délai raisonnable après la réception de la convocation. L’employeur expose au salarié les reproches qui lui sont adressés, ainsi que les sanctions possibles. Le salarié reconnaît ou défend sa position, accompagné ou non d’un membre du personnel s’il en ressent le besoin. 

À la fin de la procédure, l’employeur devra décider de la suite qu’il donne aux faits fautifs, entre : 

  • ne pas prononcer de sanction (rare en pratique);

  • l’avertissement du salarié ;

  • la mise à pied disciplinaire ;

  • le licenciement pour faute grave ou lourde.

⚠️ Attention : la mise à pied conservatoire n’est pas directement contestable. Les salariés doivent généralement attendre le prononcé de la sanction définitive.

💡 Bon à savoir : la mise à pied conservatoire ne s’effectue pas forcément avant l’entretien préalable à la reprise du travail ou au licenciement. Elle peut débuter le même jour que cet entretien ou après la convocation.

Le salarié est-il rémunéré pendant la mise à pied conservatoire ?

Durant une mise à pied, le salarié est écarté de son poste de travail et son contrat est suspendu. Il en est de même pour sa rémunération durant toute la période de mise à pied. Le versement rétroactif de ce salaire dépend du verdict de la procédure : 

  • si la faute est reconnue comme grave ou lourde, l’employeur ne doit aucune rémunération à son salarié durant sa durée de mise à pied ;

  • si l’employeur ne reconnaît aucune gravité dans les reproches qui vise son salarié, il est tenu de lui verser tout le salaire suspendu durant la procédure.

 

💡 Bon à savoir : en cas de mise à pied conservatoire et d'arrêt maladie, le salarié ne perçoit pas d’indemnités journalières jusqu’à la fin de la procédure. L’indemnisation rétroactive de l’arrêt maladie dépendra de la décision prononcée par l’employeur, comme pour les autres cas.

Comment le salarié peut-il contester sa mise à pied conservatoire ?

Une fois informé de la décision prononcée par son employeur, le salarié a la possibilité de contester ce verdict. Pour cela, il doit adresser une lettre de contestation à l’entreprise, dans laquelle il expose les motifs de la procédure qu’il engage. Selon l’article L1471-1 du Code du travail, il bénéficie d’un délai de 2 ans pour contester la suspension ou la rupture de son contrat.

Dans un deuxième temps, il doit saisir le conseil des prud’hommes pour attaquer le bien-fondé de la procédure. Ce dernier pour la juger abusive en fonction des faits, des reproches et de la sanction attribués au salarié. 

Pour défendre sa position auprès de la cour, le salarié peut faire appel à un avocat expert en droit du travail. Si la cour agit en référé, la convocation devant les juges est plus rapide que pour une procédure classique.

Le salarié est en droit de contester les fautes suivantes de son employeur durant sa mise à pied conservatoire : 

  • les irrégularités au niveau de la procédure (absence de notification pour la convocation à l’entretien préalable ou pour la sanction) ; 

  • une mesure disproportionnée par rapport aux faits reprochés ; 

  • l’absence de rémunération alors que la sanction décidée n’est pas liée à une faute grave ou lourde.

Le salarié peut demander la levée de la sanction, la rémunération non perçue durant la mise à pied ou des indemnités pour le préjudice subi. De son côté, l’employeur est tenu de justifier la régularité et le bien-fondé de la procédure devant le conseil des prud’hommes, au risque de ternir son image et de s’exposer au paiement des dommages et intérêts.

💡 Bon à savoir : l’avocat expert en droit du travail peut aider l’employeur à défendre sa position.

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La jurisprudence retient les motifs suivants pour justifier une mise à pied conservatoire, au-delà du verdict que pourrait prononcer le conseil des prud’hommes : 

  • vol dans l’entreprise ;

  • violence entre salariés ;

  • harcèlement moral ou sexuel dans le cadre du travail ;

  • abandon de poste ;

  • comportement délictuel ;

  • fraude ;

  • état d'ébriété durant les heures de travail ;

  • création d’une entreprise concurrente à celle de l’employeur.

La mise à pied conservatoire est jugée abusive si son caractère semble disproportionné par rapport à la faute du salarié. L’employeur est également tenu de respecter une courte période entre la constatation de la faute et l’envoi de la notification de suspension du contrat. Ce délai doit être de 2 mois au maximum selon l’article 1332-4 du Code du travail, à moins que des poursuites soient engagées en parallèle devant la Cour pénale.

Le Code du travail n’impose aucun délai entre la mise à pied conservatoire et le licenciement du salarié. Néanmoins, la procédure de licenciement doit s’effectuer dans les plus brefs délais, sous peine d’être requalifiée en mise à pied disciplinaire. La Cour de cassation peut considérer une période de 4 à 7 jours comme abusive. Cette décision est reconnue au même titre que le délai entre la notification de mise à pied et la convocation à l’entretien préalable pour la reprise du travail ou la rupture du contrat.